Amoureuse d'une fille hétéro qui a peur du regard des autres

Élodie
il y a 3 jours
4 min de lecture

Une rencontre qui a tout bouleversé

Je m’appelle Precillia mais on m'appelle Prisca, j’ai 23 ans, je suis lesbienne et totalement assumée depuis mes 18 ans. J’ai connu des histoires, des vraies, des belles, des ratées aussi. Mais jamais je ne me suis retrouvée dans une situation aussi confuse, aussi grisante et aussi douloureuse à la fois. Il y a six mois, j’ai rencontré Anna. Elle a 24 ans. C’est une amie d’amis. Ce soir-là, on ne devait même pas se croiser. C’était une soirée simple, presque banale, et pourtant, dès que je l’ai vue, j’ai senti que quelque chose se passait. Elle a ce sourire un peu timide, ce regard franc, cette manière d’être à la fois douce et présente. On a commencé à parler et, en quelques minutes, le monde autour a disparu.

Il y avait ce feeling immédiat. Ce genre de lien rare, presque inexplicable, qui dépasse l’amitié ordinaire. J’ai su très vite que cette fille allait prendre de la place dans ma vie. Je ne savais juste pas encore à quel point.

De l’amitié fusionnelle à l’ambiguïté

Anna et moi, on est devenues proches très vite. Trop vite, peut-être. On s’écrivait tous les jours, on s’appelait sans raison, on trouvait toujours un prétexte pour se voir. Tout le monde autour de nous voyait notre complicité, certains pensaient même qu’on était en couple, ce qui la faisait rire… nerveusement.

On se raconte tout, ou presque. On se comprend à demi-mot. Il n’y a jamais de malaise entre nous. Pourtant, petit à petit, une ambiguïté s’est installée. Une proximité étrange, plus intense que celle qu’on a habituellement entre simples amies. Elle est tactile avec moi : elle me touche souvent, cherche le contact physique, me caresse la main, me prend dans ses bras. Et parfois, quand elle dort chez moi, elle vient naturellement se blottir contre moi dans le lit, comme si c’était la chose la plus normale du monde.

Mais on ne s’est jamais embrassées. Elle ne m’a jamais parlé de désir, ni même laissé entendre une attirance claire. C’est ça le plus troublant : cette tendresse immense, sans franchissement de ligne, comme si elle dansait constamment au bord d’un précipice sans oser sauter.

J’ai tenté de poser des mots

Un soir, j’ai craqué. J’ai essayé de lui dire ce que je ressentais. Pas de manière brutale, mais avec sincérité. Je lui ai confié qu’elle me troublait, qu’il y avait quelque chose entre nous qui dépassait l’amitié, au moins de mon côté. Elle est restée silencieuse un instant. Puis elle a détourné la conversation, comme si elle ne voulait pas entendre. Pas de panique, pas de colère, juste… une fuite douce, mais ferme.

Je n’ai pas insisté. J’avais trop peur de briser ce qu’on avait. Mais depuis, une tension étrange flotte entre nous. Elle continue à se comporter de la même manière : toujours aussi proche, toujours aussi tendre.Quand je ne lui écris pas pendant plus de 2 heures, elle peut m'envoyer un "Tu me manques", ou "Je pense à toi"... Et moi, je suis perdue dans cet entre-deux invivable.

Elle dit qu’elle est hétéro… mais ses gestes disent autre chose

Quand je tente, même subtilement, d’évoquer la possibilité qu’elle ressente quelque chose de plus, elle me dit simplement : « Je suis hétéro, tu le sais. » Comme une barrière. Une réponse simple, nette, comme pour se protéger d’elle-même.

Mais ses gestes sont contradictoires. Elle me regarde parfois avec cette intensité qu’on ne réserve pas à une simple amie. Elle me complimente souvent, me dit que je suis belle, qu’elle se sent bien avec moi, qu’elle a besoin de ma présence. Elle me cherche du regard dans une pièce. Elle me touche comme on touche quelqu’un qu’on aime.

Je suis consciente que ça pourrait être un attachement fort, sans attraction sexuelle. Mais je le sens : ce n’est pas que ça. Il y a autre chose. Quelque chose qu’elle ne dit pas, peut-être qu’elle ne s’avoue même pas à elle-même.

J’oscille entre espoir et douleur

Je suis tombée amoureuse d’elle. Ce n’était pas prévu, et ça ne m’arrive pas souvent. Je ne suis pas du genre à idéaliser, ni à me faire des films. Mais là, c’est plus fort que moi. Je l’aime dans les silences, dans les regards, dans les instants suspendus qu’on partage. Et chaque jour, c’est un mélange de joie et de frustration.

Il y a des moments où j’ai l’impression que tout peut basculer. Que si elle acceptait juste de lâcher prise, on pourrait vivre quelque chose de magnifique. Et puis, il y a d’autres moments où je me dis que je me fais du mal pour rien. Qu’elle ne franchira jamais le pas. Qu’elle préfère se mentir, par peur, ou par conformisme. Je sens que le regard des autres, la pression sociale, tout ça l’empêche d’explorer ce qu’elle pourrait ressentir pour une fille. Pour moi.

Dois-je continuer à espérer ?

Je suis face à une impasse. Si je reste là, à attendre qu’elle s’autorise à m’aimer, je risque de m’abîmer. Si je m’éloigne, je perds quelqu’un de précieux. Je ne peux même pas lui reprocher quoi que ce soit. Elle ne m’a rien promis. Elle n’a rien fait de mal. Mais cette ambiguïté me blesse plus qu’un rejet clair.

Je me demande parfois si je ne suis pas en train d’aimer une idée. Si je ne projette pas trop sur elle. Et puis je me souviens de ses regards, de ses mains dans les miennes, de ses silences qui crient. Et je me dis que non. Ce que je ressens est réel. Ce qu’on partage est réel. Mais peut-être que ça restera toujours à l’état de fantasme non assumé.

Conclusion : aimer, même sans réponse

Ce que je vis avec Anna est à la fois beau et cruel. C’est un amour sans nom, sans définition, coincé dans les non-dits. Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Peut-être qu’elle osera un jour. Peut-être pas.

Mais je voulais raconter mon histoire. Parce que je sais que je ne suis pas la seule à vivre ça. À aimer quelqu’un qui a peur. À attendre un signe, un mot, un baiser. À espérer en silence. Et je crois que c’est important aussi de dire que ces histoires existent. Qu’elles méritent d’être entendues, même si elles n’ont pas de fin heureuse. Pas encore.