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Articles et témoignages

Bonne lecture !

J’ai perdu ma fille sans avoir su l’aimer comme elle était

  • Élodie
  • 13 nov.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 nov.

J’ai été une mère homophobe.

Ce témoignage, je l’écris pour tous les parents, pour leur dire à quel point il est essentiel d’aimer leurs enfants tels qu’ils sont, et non tels qu’ils voudraient qu’ils soient. Car moi, je ne l’ai pas fait. Et je vis chaque jour avec cette culpabilité qui ne me quitte plus depuis la mort de ma fille, Alexia, en 2015.


Je m’appelle Sylviane, j’ai 69 ans, je suis aujourd’hui à la retraite et je vis avec mon mari Joël. Ensemble, nous avons eu deux filles, Alexia et Camille. Pendant longtemps, j’ai eu la certitude d’avoir une vie parfaite. Une famille unie, joyeuse, pleine de rires et de projets. Deux filles adorables, studieuses, bien élevées. Alexia, l’aînée, rêvait depuis toujours de devenir pédiatre. Elle était lumineuse, dévouée, et tout semblait lui sourire. C’était la fille que tout parent rêverait d’avoir : sérieuse, généreuse, drôle, pleine d’amour.


Quand elle a quitté la maison pour aller faire ses études de médecine à Poitiers, nous étions à la fois fiers et émus. Elle revenait à la maison un week-end par mois, et chaque fois, c’était la fête. Elle avait cette façon d’éclairer la maison par sa seule présence. Tout semblait parfait, jusqu’à ce que les premières fissures apparaissent.


Le début des doutes


Au fil des années, Alexia a commencé à se poser des questions. Les études de médecine en France sont longues, exigeantes, épuisantes. Elle doutait, se demandait si c’était vraiment sa voie. Au téléphone, elle m’en parlait souvent, mais je n’ai pas voulu entendre. Je pensais qu’elle traversait une période de fatigue, qu’il fallait simplement l’encourager à tenir bon. Alors, comme beaucoup de parents, j’ai eu les mauvaises paroles : “Ne lâche pas, tu as commencé, tu dois aller jusqu’au bout.”


Nous avons eu plusieurs disputes à ce sujet. Elle me disait qu’elle se sentait perdue, et moi je lui répondais qu’elle devait persévérer, qu’on faisait des sacrifices pour elle, qu’on croyait en elle. Je ne voyais pas à quel point mes mots pouvaient être lourds. Je voulais son bien, mais je cherchais surtout à la rassurer pour moi-même, à me convaincre que ma fille suivait le chemin que j’avais rêvé pour elle.


Le repas de Noël qui a tout changé


Je revois encore ce soir-là, autour d’une grande table familiale. Nous étions une vingtaine, mes frères, mes sœurs, nos enfants. Alexia a pris la parole, la voix tremblante, pour dire qu’elle voulait peut-être arrêter la médecine. J’ai senti la honte et la colère monter en moi. Devant tout le monde, j’ai dit d’un ton sec : “Arrête un peu, tu as commencé, tu termines.”


Elle a baissé la tête. Le silence a été lourd. Ce jour-là, j’ai blessé ma fille plus profondément que je ne pouvais l’imaginer. Elle s’est fermée, elle s’est éloignée. Je voulais juste qu’elle réussisse, qu’elle ne gâche pas tout, mais ce que j’ai fait, c’est l’humilier et lui montrer que je n’étais pas prête à l’écouter.


La révélation


Quelques semaines plus tard, Alexia nous a appelés. Elle nous a dit qu’elle avait pris sa décision : elle arrêtait la médecine, elle avait trouvé un emploi dans une PME. J’étais dévastée, persuadée qu’elle faisait une erreur. Puis, presque dans le même souffle, elle nous a annoncé qu’elle vivait depuis plus d’un an avec une femme, Laura, une infirmière.


Je me souviens de ce moment comme d’une déflagration.“Une femme ?” ai-je répété, incapable de comprendre. Elle nous a expliqué qu’elle n’en pouvait plus de se cacher, qu’elle était heureuse, amoureuse, et qu’elle voulait vivre sa vie pleinement. Mais moi, j’étais figée, fermée, prisonnière de mes idées. Mon mari aussi. Nous venions d’une génération où l’homosexualité, c’était “chez les autres”. Nous étions incapables d’accepter cette réalité. Nous l’avons jugée, nous avons eu des mots durs. Nous pensions que c’était passager, une phase.

Mais ce n’était pas une phase. C’était sa vie, son bonheur. Et nous, nous n’avons pas su l’accueillir.


Le mariage qu’on n’a pas voulu voir


En 2014, j’ai reçu une lettre. Une enveloppe beige, écrite de sa main. À l’intérieur, un carton d’invitation. Alexia et Laura allaient se marier. Le mariage pour tous venait d’être adopté, et elle voulait simplement vivre son amour au grand jour. Avec cette invitation, il y avait un petit mot :

Papa, maman, j’ai envie et besoin de vous avoir à mes côtés le 18 juillet 2015. Je vous aime.

Je n’ai jamais pu jeter ce mot. Mais à ce moment-là, j’ai été incapable de faire le pas. Je lui ai répondu que je l’aimais, mais que je ne pouvais pas venir. J’étais déchirée, mais prisonnière de mes propres barrières. J’ai voulu me convaincre que j’avais raison, que je faisais bien, mais au fond, je savais déjà que j’étais en train de perdre ma fille.


Le jour où tout s’est arrêté


Le 27 janvier 2015, à 8h51, le téléphone a sonné. Une voix tremblante, celle d’un policier. Alexia avait eu un accident de voiture. Un choc frontal. Elle était morte sur le coup.

Je me souviens avoir crié, hurlé, m’être effondrée au sol. Tout s’est effondré autour de moi. Mon monde, ma famille, mon cœur. Et cette question lancinante : pourquoi ? Pourquoi n’ai-je pas su l’aimer quand il en était encore temps ?


Je ne l’avais pas revue depuis des mois. Je ne l’avais pas prise dans mes bras. Je ne savais même plus vraiment qui elle était devenue. Et elle est partie sans que je puisse lui dire combien je l’aimais.


La culpabilité qui ne s’éteint jamais


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Depuis ce jour, je vis avec cette douleur, cette honte d'avoir été une mère homophobe, cette culpabilité immense. Je n’ai pas accompagné ma fille dans sa vie, dans ses choix, dans son bonheur. Je l’ai jugée, rejetée, blessée, par ignorance, par peur du regard des autres. Mon mari et moi avons sombré dans le silence et la culpabilité. Nous avons été suivis par des psychologues, mais il n’y a pas de remède au regret.


Nous avons rencontré Laura pour la première fois lors des funérailles. Elle était anéantie. Je n’oublierai jamais son regard, ce mélange de chagrin et de douceur. C’était la femme que ma fille aimait, celle qu’elle voulait épouser. Et moi, je ne l’avais même jamais regardée dans les yeux avant ce jour.


Avec le temps, Laura a trouvé la force de reconstruire sa vie. Elle est aujourd’hui en couple, elle a un petit garçon. Nous nous parlons parfois. Je lui ai demandé pardon, mille fois. Et elle, avec une force que je n’aurai jamais, m’a dit qu’Alexia aurait voulu que je sois en paix.


Ce que j’aimerais dire à tous les parents


Si je témoigne aujourd’hui, c’est pour empêcher d’autres drames silencieux. Aimez vos enfants tels qu’ils sont. Ne les jugez pas. Ne cherchez pas à modeler leur bonheur selon vos idées. Le bonheur d’un enfant, ce n’est pas d’avoir une vie conforme à ce qu’on imaginait, mais de vivre librement, sincèrement, pleinement.


J’ai appris, dans la douleur, que l’amour n’a ni forme ni norme. Ma fille m’a quittée sans que j’aie su lui dire les bons mots. Alors, s’il vous plaît, aimez vos enfants aujourd’hui. Ne laissez pas le temps ou la fierté voler ce que vous avez de plus précieux.


Parce que parfois, il est trop tard pour le dire, mais jamais trop tard pour comprendre.




Photos non contractuelles.

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