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Bonne lecture !

La maladie m'a arraché l'unique femme de ma vie

  • Élodie
  • 15 sept.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 sept.

Carine - Naturopathe


Je n’écris pas ces lignes pour attirer la pitié. J’écris parce que parfois, mettre des mots sur une douleur permet de la nommer, de la légitimer, et peut-être, pour quelqu’un d’autre, de reconnaître qu’il n’est pas seul. J’ai 45 ans. J’ai été mariée onze ans à un homme, parce que c’est ce que la vie semblait demander à l’époque — suivre le schéma, cocher les cases. De ce mariage est né un fils que j’aime plus que tout. Ma vie d’alors était calme, bien rangée, presque mécanique : travail, maison, école, week-ends. Une vie « basique », comme on dit.


Puis il y a eu la séparation. Rien de spectaculaire : juste le constat que rester par habitude n’était pas une réponse à la soif d’avenir que j’avais au fond de moi. Après la séparation, je n’attendais rien de particulier. Et pourtant, lors d’un trail en Dordogne, tout a basculé.



La rencontre qui a tout changé — un trail, un regard


Je l’ai rencontrée au détour d’un sentier, entre boue, rires essoufflés et odeur de pins. Ce n’était pas un scénario de film. C’était la réalité, crue et douce à la fois. Je ne m’attendais pas à ressentir ce que j’ai ressenti — un choc, une évidence. C’était une femme. Je n’avais jamais ressenti ça auparavant, jamais avec cette intensité. C’était inexplicable et, étrangement, ce n’était pas effrayant. Au contraire : ça donnait envie.


Nous avons parlé comme si nous nous connaissions depuis toujours. Quelques cafés, des sorties, des discussions nocturnes qui n’en finissaient plus. J’ai découvert que l’on pouvait retomber amoureuse en dehors des cases qu’on nous avait apprises. J’ai redécouvert ma sexualité, ma sensualité, ma capacité à m’abandonner. Elle m’a appris à être moi, d’une autre manière.



Une vie à deux, un foyer construit ensemble


Nous avons emménagé ensemble. Très vite, notre foyer s’est transformé en nid. Il y avait nos rituels : chevaux, promenades, deux chiens qui couraient dans le jardin, soirées à refaire le monde. Nous étions épanouies, aimantes, complices. J’ai vu, pour la première fois depuis longtemps, une joie paisible s’installer en moi : rire sincère, projets, petites habitudes qui deviennent grand rempart contre la solitude.


Nous avons acheté un cheval, adopté nos deux chiens, et construit un quotidien simple mais plein. J’étais heureuse. Elle était ma partenaire, mon amour, mon soutien. Elle était l’unique femme de ma vie.



Le diagnostic : la nouvelle qui a tout bouleversé


Huit ans après notre rencontre, la vie nous a frappées. Une mauvaise nouvelle médicale est venue s’immiscer entre nous : cancer. Les mots eux-mêmes sonnaient comme une sentence. Je me souviens encore la première fois qu’on nous a dit « il faut faire des bilans », « il faut faire des examens ». Le monde s’est rétréci à la taille d’une chambre d’hôpital.


Elle a enchaîné les chimios. Elle, qui était forte et lumineuse, a basculé dans la fatigue, la douleur, la peur. Elle n’y croyait pas — pas parce qu’elle n’aimait pas la vie, mais parce qu’elle sentait déjà quelque chose d’inévitable. Moi, je me suis mise en mode bataille. J’ai voulu croire pour deux, la tirer vers l’avant, la convaincre de se battre. J’ai été son rocher, et parfois son brasier quand la colère la saisissait.



Huit mois à ses côtés — veiller, espérer, perdre


Les huit mois qui ont suivi ont été les plus intenses de ma vie. On dit souvent que l’amour se voit dans les petites choses — tenir une main, préparer la soupe qu’elle aimait, lui murmurer que demain sera meilleur. Chaque séance de chimio était un pic d’espoir suivi d’une vallée d’épuisement. J’ai appris à traduire ses silences, à lire ses regards. Parfois elle souriait, parfois elle était déjà loin, comme si une partie d’elle s’éteignait à chaque traitement.


J’ai connu la rage, l’impuissance, les nuits blanches à regarder son souffle. Je m’accrochais à elle, à chaque respiration, à chaque parole tendre. Et pourtant elle se sentait condamnée. Elle me le disait souvent, pas par désir de me blesser, mais parce qu’au fond d’elle la fatalité semblait avoir posé son empreinte. J’ai lutté pour elle, pour que la vie ait une place, mais la maladie a continué son travail.


Un matin d’hiver, elle s’est éteinte. Je l’ai tenue, je l’ai regardée partir. La maison est devenue un grand vide habité par son absence.



Le pire choc de ma vie

Perdre la femme de ma vie a été la pire chose qui me soit arrivée. Pas une douleur qui se banalise, pas une blessure qui guérit au bout d’un pansement. C’est un espace brûlé, une absence qui occupe tout. Les souvenirs me submergent : le rire quand elle galopait avec le cheval, ses doigts froids dans les miens, nos projets qui ne verront jamais le jour.


Il y a des jours où le monde paraît absurde : les emails, les courses, les devoirs de mon fils — tout continue, et moi, je suis suspendue dans un temps dévasté. Mon fils a besoin de moi et je m’accroche à lui parce qu’il est notre lien vivant. Mais le soir, quand la maison se vide, la chambre reste le témoin muet d’un amour inachevé.



Trois ans après — le temps qui n’efface pas tout


Cela fait trois ans aujourd’hui. Trois ans que je vis avec son ombre. On me dit que « le temps fera son œuvre », que « tu retrouveras quelqu’un », que « la vie reprendra ». Mes proches veulent me voir sourire à nouveau, reconstruire, aimer de nouveau. Ils parlent avec douceur, parfois avec impatience ; je sais qu’ils veulent mon bonheur.


Mais je sais au fond de moi que ça n’arrivera pas. Mon cœur s’est refermé à jamais. Ce n’est pas de l’orgueil ni une posture : c’est une conviction née de cette absence irréversible. Je me sens liée à elle pour la vie. Ce lien n’est pas seulement sentimental — il est physique, quotidien, spirituel. Je ne ressens pas le besoin ni le désir de chercher un autre amour. Ce n’est pas que je refuse la vie ; c’est que ma vie est désormais construite autour de ce creux qu’elle a laissé.



Le deuil qui s’étire — entre colère, nostalgie et douceur


Le deuil n’est pas une ligne droite. Il se présente sous forme d’ondes : colère, gratitude, nostalgie envahissante, tristesse. Parfois je la maudis de m’avoir quittée, parfois je la remercie pour chaque instant volé au temps. J’ai appris à vivre avec ces oscillations. J’ai appris que chaque personne invente son propre rythme de deuil, et le mien est long, peut-être interminable.


Je ne veux pas donner l’impression d’être fermée à jamais par un choix amer. J’existe encore. J’aime mon fils, j’entretiens la maison, je veille sur nos chiens et le cheval qui fut si cher à nos deux vies. Je vais chez le médecin, je participe à des rendez-vous pour mon propre équilibre, mais je refuse les injonctions sociales qui veulent m’imposer une guérison rapide.



Ce que je voudrais que l’on comprenne


Aux amis et à la famille qui lisent ces lignes, je voudrais dire : merci. Merci d’avoir été là dans les premiers temps. Vos messages, vos repas apportés, vos bras, tout cela a aidé. Mais comprenez aussi que la douleur n’est pas un coupe-fil que l’on peut désactiver. Arrêtez de me dire « ça ira », « un jour tu rencontreras quelqu’un ». Vos mots sont bienveillants mais parfois ils me font sentir coupable, comme si je devais accélérer l’étape suivante d’un processus intime.


À ceux qui sont en couple et en bonne santé : aimez sans délai. Ne considérez pas l’amour comme acquis. À ceux qui ont perdu un être cher du même côté que moi : je vous comprends peut-être plus que vous ne le pensez. Le deuil d’un amour est une géographie à part. Il n’y a pas de règle, seulement des territoires à traverser.



Comment je vis aujourd’hui — petites pousses dans un sol aride


Je ne vis pas dans une coquille vide. Il y a des moments où la lumière revient : une balade avec les chiens, le galop du cheval, un rire de mon fils. Ces instants sont des petites pousses dans un sol aride. Je les cueille quand ils apparaissent. Je prends des rendez-vous pour moi — thérapie, groupes de parole — non pour accélérer quelque chose, mais pour apprendre à porter la douleur sans qu’elle m’écrase complètement.


Je n’ai pas envie de reconstruire un couple. J’ai envie d’honorer ce que nous avons vécu. J’essaie de traduire cet honneur en gestes concrets : garder ses affaires qui me parlent d’elle, entretenir les lieux qu’elle aimait, raconter nos histoires à voix haute pour que son souvenir vive.



Une lettre à elle — l’unique femme de ma vie


Si ces mots pouvaient lui parvenir, je lui dirais : tu as été mon phare. Tu m’as appris la vérité d’un amour qui ne s’encombre pas des étiquettes. Tu as été celle qui m’a montré que l’on peut choisir sa vie, sa tendresse, son risque. Je te remercie pour chaque matin partagé, pour chaque nuit où tu as tenu ma main, pour tout ce que tu as été. Je te dis aussi que ta perte m’a tout pris et qu’elle m’a tout donné : la certitude que j’ai aimé comme rarement on aime.



Pour finir — la douleur comme mémoire vivante


Je ne prétends pas savoir comment finit l’histoire. Peut-être qu’un jour j’aurai d’autres formes d’affection. Peut-être que non. Ce que je sais, c’est que l’absence n’efface pas l’amour, elle le transforme en mémoire vivante. Mon cœur, bien qu’en partie refermé, garde le sillon de ce qui fut. C’est là, profond, indélébile.


Si mon témoignage peut aider une personne à nommer sa peine, à comprendre qu’elle a le droit de ne pas « avancer » comme on l’attend d’elle, alors ces lignes auront servi. Je suis Carine. J’ai aimé une femme qui était l’unique. Elle est partie. Et je vis maintenant avec son souvenir, chaque jour, à ma manière.



Photos non contractuelles.

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