Nour, 30 ans - Conseillère de vente
Je suis une femme musulmane d'origine maghrébine. J'ai grandi à Vaulx-en-Velin, dans le quartier du Mas du Taureau, au sein d'une famille nombreuse avec quatre frères et une sœur. C'est un quartier où tout le monde se connaît, où les regards pèsent lourds et où il vaut mieux ne pas sortir du cadre imposé par la communauté si on ne veut pas être mis à l'écart.
Depuis toujours, j'étais perçue comme un garçon manqué. Je préférais le sport aux poupées, les survêts aux robes, et je ne me suis jamais vraiment intéressée aux garçons, contrairement à ma sœur et aux filles de mon âge. Ma famille pensait que j'étais juste différente, mais personne ne s'imaginait la vérité : je ne ressentais d'attirance que pour les femmes.
La découverte de mon homosexualité
C'est à 23 ans que tout a changé. J'ai rencontré celle qui serait mon premier amour. Je me souviens encore du vertige que j'ai ressenti quand j'ai compris ce que je vivais. Moi qui n'avais jamais eu de petit copain, je venais de tomber amoureuse pour la première fois, et c'était d'une femme. Ce fut à la fois une illumination et une tempête. Comment pouvais-je concilier ce que je ressentais avec tout ce que j'avais appris, tout ce que l'on attendait de moi ?
Pendant plusieurs mois, j'ai gardé notre relation secrète. J'étais tiraillée entre l'amour que je découvrais et la peur du rejet. Mais les secrets finissent toujours par être dévoilés. Mes frères ont surpris des messages sur mon téléphone, et tout a basculé. Ils ont d'abord tenté de me raisonner, pensant que ce n'était qu'une phase, une erreur passagère. Puis ils en ont parlé à mes parents.
L’annonce à ma famille
Le jour où mes parents l'ont appris reste gravé en moi comme une blessure profonde. Leur déception était évidente, leur incompréhension totale. Mon père a choisi le silence, tandis que ma mère a essayé de me faire entendre raison. "Ce n'est pas naturel", "Ce n'est pas notre culture", "Que vont dire les gens ?" Les phrases se succédaient et me poignardaient en plein cœur. J'étais partagée entre l'envie de hurler ma vérité et celle de disparaître pour ne plus voir la douleur dans leurs yeux.
Les mois qui ont suivi ont été éprouvants. Les discussions tournaient en rond, les regards étaient lourds de reproches. Mais à force de dialogue, à force de prouver que ce que je vivais n'était ni une passade ni un caprice, les tensions se sont apaisées. Mes parents ont fini par accepter mon homosexualité, à leur manière. Ils m'ont demandé de ne pas m'afficher, de vivre ma vie discrètement. Dans le quartier, personne ne devait savoir. Ils ne voulaient pas voir, pas entendre, pas affronter le regard des autres.
L’acceptation progressive
Cela m'a brisée, mais j'ai accepté, car c'était déjà une victoire. À défaut de reconnaissance pleine et entière, j'avais réussi à leur faire comprendre que je restais leur fille, que mon amour pour une femme ne changeait rien à cela. Au fil des ans, leur regard a changé, et j'ai appris à m'aimer sans me cacher.
Il y a quatre ans, j'ai présenté Anna à ma famille. Anna, c'est mon pilier, mon amour, celle qui a vu mes doutes, mes peurs, mais aussi ma détermination à vivre librement. Ce jour-là, j'étais nerveuse, mais à ma grande surprise, tout s'est bien passé. Mes parents l'ont accueillie sans hostilité, mes frères l'ont acceptée, et ma sœur l'a immédiatement adorée. Ce n'était pas parfait, mais c'était réel. Avec le temps, l'amour a pris le dessus sur la peur du regard des autres.
Mon message à celles et ceux qui vivent la même chose
Aujourd'hui, je suis fière du chemin parcouru. Je ne vis plus dans ce quartier mais mes parents y vivent toujours. Là-bas, les mentalités évoluent trop lentement, mais je ne me cache plus. Je sais que je ne pourrai jamais pleinement afficher mon amour ici, mais je sais aussi que je suis entourée de ceux qui comptent vraiment. Et surtout, je sais que mon amour est légitime, qu'il a sa place, même dans un monde qui a du mal à l'accepter.
Je veux aussi parler à toutes celles et ceux qui vivent une situation similaire. Vous n'êtes pas seuls. J'ai longtemps cru que je l'étais, que personne ne pouvait comprendre ce que je traversais. Mais avec le temps, j'ai réalisé que d'autres vivaient les mêmes dilemmes, les mêmes peurs. Nous devons nous soutenir, nous encourager. Nos histoires comptent, et chaque pas que nous faisons vers l'acceptation de nous-mêmes est une victoire.
J'aimerais voir un jour un monde où l'amour n'aura plus à se cacher, où l'on pourra être pleinement soi-même sans crainte. En attendant, nous devons continuer à avancer, à aimer, à exister, même dans l'ombre, car chaque instant de bonheur vécu est une rébellion contre l'injustice du rejet.
Je suis Nour, une femme musulmane et lesbienne, et je ne laisserai plus jamais personne me dicter qui je dois être.
Photos non contractuelles.
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