Rejetée par mes parents, j'ai choisi de vivre ma vie
- Élodie
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour
Une enfance marquée par la comparaison
J’ai 25 ans aujourd’hui, et je m’appelle Camille. Si je prends la plume (ou plutôt le clavier) aujourd’hui, c’est pour poser des mots sur ce que j’ai vécu, sur ce que je vis, et surtout sur ce que j’ai surmonté.
Je suis la petite dernière de ma fratrie. Ma grande sœur a un an de plus que moi. Enfants, on se chamaillait souvent, comme beaucoup de sœurs, mais chez nous, ce n’était jamais vraiment équilibré. Nous habitions un charmant pavillon près de Tours, mais le décor n’a jamais adouci l’ambiance familiale.
Ma sœur a toujours eu le beau rôle. Elle était brillante, sage, obéissante. Et moi ? J’étais celle qui dérange, celle qui « fait des histoires », celle qui ne rentre pas dans les cases. Ma mère ne s’en cachait pas : elle était fière de sa fille aînée, de ses notes, de sa réussite. Moi, je naviguais dans la moyenne, ce qui, aux yeux de ma mère, semblait être une disgrâce. Mon père, lui, ne disait rien. Passif, absent, effacé. Jamais un mot de soutien, jamais un geste pour équilibrer les choses.
Le divorce, l’adolescence et l’isolement
Quand j’avais 12 ans, mes parents ont divorcé. J’étais en pleine adolescence, en pleine crise identitaire, et ce bouleversement a été un séisme intérieur. J’ai vécu avec ma mère et ma sœur, dans une ambiance devenue rapidement invivable.
Elles formaient une alliance. Moi, j’étais l’intruse. Tout ce que je faisais ou disais était critiqué : mes vêtements, ma coiffure, mes fréquentations. Je devenais l’insupportable de service, le vilain petit canard. J’ai décroché scolairement. Je n’avais plus d’énergie pour faire semblant, plus de motivation pour m’intégrer dans une famille où je n’avais pas ma place.
À 15 ans, j’ai supplié mon père de m’accueillir chez lui, à Blois. Mais il avait refait sa vie avec une femme et ses deux enfants, et je n’étais pas la bienvenue. Rejetée une nouvelle fois.
Trouver un but, un peu d’espoir
À 17 ans, j’ai entamé un bac pro commerce. Pas parce que c’était une passion, mais parce que c’était une porte de sortie. Mon objectif était clair : décrocher un travail rapidement, devenir indépendante, fuir cette maison et cette ambiance toxique.
C’est au lycée que tout a commencé à changer. J’y ai rencontré Amélie. Mon premier grand amour. Elle m’a offert ce que je n’avais jamais eu : de l’amour, de la douceur, de l’attention. Pour la première fois, je me sentais vue, aimée, respectée.
Mais ce bonheur était clandestin. Un soir, ma mère m’a confrontée : « J’espère que tu n’es pas lesbienne ? » m’a-t-elle lancé, l’air suspicieux. J’ai nié, par peur. Peur de la perdre, peur des conséquences, peur qu’elle me rejette encore plus. Ma sœur, complice de ma mère, me surveillait, fouinait. Et petit à petit, toute la famille a commencé à m'exclure encore davantage.
Quand Amélie m’a quittée, j’ai touché le fond. Je ne pouvais plus continuer à me cacher. J’ai voulu parler, chercher du réconfort. Mais ma mère m’a dit que c’était « mieux ainsi ». Que cette rupture allait « me remettre les idées en place ». Elle m’a fait passer pour folle.
La liberté enfin
Malgré tout ça, j’ai décroché mon bac pro avec mention. En août, j’ai trouvé un poste de conseillère de vente dans un magasin de sport. En octobre, j’emménageais seule, à Tours. Mon premier chez-moi. Un petit appartement modeste mais si précieux. Le début de ma vraie vie.

Peu de temps après, j’ai rencontré Léane. Une étudiante en médecine, brillante, drôle, bienveillante. Le coup de foudre. Et cette fois, je n’avais plus envie de me cacher. Elle est venue vivre avec moi. Je construisais, enfin, quelque chose de beau, de stable.
Je passais parfois voir ma mère, une fois par mois. Ma sœur, elle, avait déménagé à Orléans avec son compagnon. Je pensais naïvement que notre éloignement physique allait rapprocher les cœurs. Je croyais que ma mère et moi allions pouvoir, peut-être, recommencer quelque chose.
Le jour où tout a basculé
Un vendredi, c’était son anniversaire. Elle avait 53 ans. Elle était seule à la maison. Je suis arrivée avec des fleurs, un gâteau. J’étais pleine d’espoir. L’ambiance était tendue, mais je voulais y croire. Elle m’a demandé si j’avais quelqu’un dès l'apéro. J’ai hésité. Elle a insisté. Et là, j’ai dit la vérité. J’ai parlé de Léane, de notre amour, de notre vie commune. Elle est entrée dans une colère noire. Elle hurlait, disait qu’elle ne comprenait pas comment elle avait pu avoir une « enfant comme moi ». Et puis elle a lâché cette phrase : que je n’étais pas une enfant désirée.
Tout s’est figé en moi. J’ai appris, ce jour-là, que ma mère avait découvert l’infidélité de mon père au moment où elle était enceinte de moi, le même jour à ce que j'ai compris. Qu’elle ne voulait pas de cet enfant, ni même le garder. Qu’elle avait cédé à mon père, qui voulait à tout prix sauver les apparences. Tout s’est éclairé dans ma tête. Toute cette préférence pour ma sœur, toute cette distance, cette froideur. J’étais un rappel vivant de sa souffrance.
La discussion a viré au drame. Elle m'a descendue, a crié au scandale, humiliée même. J'essayais tant bien de mal de me défendre mais elle ne me laissait pas en placer une jusqu'à ce je rétorque de colère : « Il vaut mieux que je sois avec une femme qui m’aime et me respecte que de finir avec un mec qui me met enceinte pendant qu’il en baise une autre. » Elle m’a giflée. Elle m’a demandé de partir et de ne jamais revenir.
Le deuil d’une famille

Je suis rentrée chez moi, brisée. Léane m’a recueillie, m’a consolée. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’étais orpheline. Vivante, mais orpheline. Plus de lien avec ma mère. Plus de lien avec ma sœur. J'ai compris ce soir là que ma mère avait des blessures émotionnelles très fortes qu'elle n'a jamais voulu soigner et qui s'est répercutées sur moi.
J’ai tenté une dernière fois de parler avec mon père. De lui poser des questions sur ma conception, sur nos liens. De lui parler de Léane aussi. Mais il a refusé la conversation. Il m’a dit qu’il ne pourrait jamais accepter « ça ». Que je pouvais venir le voir, mais sans elle. J’ai compris, alors, que j’étais seule. Que je devais faire le deuil de mes parents, de ma famille.
Aujourd’hui, je vis
Aujourd’hui, je suis debout. Ma vie n’a pas été simple, mais elle est à moi. J’ai connu la douleur, l’exclusion, la trahison. Mais j’ai aussi connu l’amour, le vrai. Celui qui ne juge pas, qui soutient, qui guérit.
Léane et moi aimerions nous marier et avoir des enfants. Et je sais que je construirai une famille différente. Une famille faite de respect, de tolérance et de vérité.
Je n’ai plus de nouvelles de mes parents, et c’est un deuil que je continue de porter. Mais je suis en paix, parce que j’ai choisi de vivre, d’aimer, et d’exister telle que je suis. Et ça, personne ne pourra jamais me l’enlever.
Photos non contractuelles.
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