Sarah, 28 ans - Paris
Dans un monde idéal, l’amour devrait être libre de toute contrainte. Pourtant, pour moi, aimer a signifié affronter des obstacles profonds, dictés par la culture, la tradition et la religion. Mon nom est Sarah, et voici mon histoire, celle d’un amour sincère mais impossible.
Je me souviens du jour où j’ai rencontré Lisa. C’était un jour ordinaire, et pourtant, elle a tout bouleversé en moi. Lisa était lumineuse, spontanée, pleine de vie. Elle a su voir en moi des facettes que je cachais au monde. Dès nos premiers échanges, j’ai senti une connexion rare, une évidence qui s’est imposée à moi sans que je puisse lutter.
Nous avons partagé des moments inoubliables, des rires aux discussions profondes sous les étoiles. Avec elle, j’ai découvert un amour pur, un amour qui ne demandait rien d’autre que d’être vécu pleinement. Mais au fond de moi, je savais que notre histoire allait rencontrer des épreuves insurmontables.
La pression familiale et religieuse
Je viens d’une famille juive pratiquante, où les traditions et les attentes sont profondément ancrées, et où chaque aspect de la vie est souvent régi par les préceptes de la Torah. La religion juive, dans sa version la plus conservatrice, demeure traditionnellement très fermée à l’homosexualité. Les textes religieux, en particulier le Lévitique, sont souvent interprétés de manière stricte, interdisant toute relation amoureuse ou sexuelle entre personnes de même sexe. Dans ce cadre, l’homosexualité est perçue comme une transgression des lois divines, ce qui rend difficile, voire impensable, pour beaucoup de familles juives de reconnaître et accepter une telle relation.
Dès que ma relation avec Lisa a commencé à prendre de l’importance, j’ai ressenti immédiatement le poids de ce regard familial. L’idée d’un amour en dehors des cadres établis par la tradition, d’un amour qui n’est ni hétérosexuel ni conforme aux attentes de ma communauté, était inconcevable pour mes proches. Ce rejet, bien que souvent tacite, était palpable. Chaque repas de famille devenait un supplice, chaque regard déviait de la normalité vers des interrogations non exprimées, mais qui se lisaient dans les silences et les non-dits. Ce regard portait en lui des jugements voilés, des attentes silencieuses de conformité.
Certains de mes amis, en Israël, ont été un soutien inespéré. La société israélienne, bien que parfois marquée par des tensions internes, est globalement plus ouverte aux questions de diversité sexuelle. En Israël, les droits des personnes homosexuelles sont davantage protégés, et les mentalités évoluent plus rapidement qu’en France. C’était pour moi une bouffée d’air frais, un espace où je me sentais moins seule, où l’on m’encourageait à vivre pleinement mon amour, sans honte ni culpabilité.
Pride de Tel AViv et Jérusalem. En Israël, les gays et lesbiennes ont plus de droits qu’en France.
Mais en France, la situation est plus complexe. La pratique religieuse juive y reste souvent conservatrice et refuse de s’adapter aux évolutions sociétales concernant l’homosexualité. Pour beaucoup de juifs traditionnels, cette évolution est perçue comme un éloignement des principes fondateurs, une dilution des valeurs sacrées de la Torah. Il est donc d’autant plus difficile de remettre en question ces croyances lorsque l’on appartient à une famille qui vénère ces traditions.
J’ai tenté de leur faire comprendre que Lisa était mon bonheur, que mon cœur avait fait son choix, mais la résistance était forte. Les attentes familiales étaient ancrées dans une vision du monde où l'amour devait respecter des conventions très précises. Mes parents, dévastés par cette relation, m’ont mise face à un dilemme cruel : choisir entre mon amour pour Lisa et mon appartenance à ma famille, une famille à laquelle je suis liée par des liens sacrés et par une histoire commune.
Pendant des mois, j’ai vécu dans un déchirement constant, tiraillée entre ce que je ressentais profondément et ce que l’on attendait de moi. Chaque décision semblait être une trahison : trahir l’amour que je portais à Lisa ou trahir mon identité et mes racines familiales. Aujourd'hui, je ressens toujours ce poids, cette douleur d’avoir été forcée de faire un choix que je n’étais pas prête à faire. J’ai l’impression que l’on a choisi ma vie pour moi, que je n’ai pas écouté mon cœur.
Le choix du renoncement
À bout de forces, j’ai fini par céder. J’ai dit à Lisa que nous devions arrêter, que je ne pouvais plus me battre contre un mur invisible mais impénétrable. Je l’ai quittée avec le cœur brisé, sachant que je laissais derrière moi la plus belle histoire de ma vie. Les jours qui ont suivi ont été insoutenables. Chaque endroit me rappelait elle, chaque mélodie que nous écoutions ensemble résonnait comme un adieu silencieux.
Ce sentiment de culpabilité, de ne pas avoir eu la liberté de choisir en toute conscience, reste ancré en moi. Pourtant, avec le recul, je sais que l'amour, quel qu’il soit, devrait toujours avoir la liberté de s’épanouir, au-delà des jugements ou des traditions, dans le respect de soi et de l’autre.
Lisa, elle, a été anéantie par cette rupture. Elle n’a pas compris pourquoi l’amour ne suffisait pas, pourquoi nous ne pouvions pas être heureuses ensemble. Elle m’a regardée, les yeux pleins de larmes, et m’a demandé pourquoi tant de haine et d’intolérance nous empêchaient d’exister. Jamais elle n’aurait pensé que la religion, qui se veut un chemin vers la paix et la compréhension, puisse nous séparer de cette manière. Incapable de supporter cette douleur, elle a choisi de couper les ponts. Aucun message, aucun appel. Un silence total, ce qui m'a beaucoup affectée. Cette rupture m'a aussi aidée à accepter que la religion nous impose parfois beaucoup de choses qui vont à l'encontre de ce que nous sommes ou voulons vraiment...
Deux ans plus tard, une blessure toujours ouverte
Deux ans ont passé depuis que j’ai quitté Lisa. Pendant ce temps, j’ai essayé d’avancer, de me reconstruire. J’ai entretenu deux relations courtes avec des hommes, pensant qu’avec le temps, je finirais par retrouver une forme de sérénité. Mais rien n’y fait. Aucune de ces relations ne m’a apporté ce que j’avais avec Lisa. Je me surprends à comparer, à chercher dans le regard d’un autre la tendresse et la complicité que j’ai connues avec elle.
J’ai voulu croire que l’amour pouvait revêtir d’autres visages, d’autres formes, mais mon cœur reste attaché à Lisa. Elle est toujours là, tapie dans un coin de mon âme, un souvenir qui refuse de s’effacer. Chaque nuit, je me demande si j’ai fait le bon choix, si j’aurais dû me battre davantage. Je me demande si elle pense encore à moi, si elle aussi ressent ce vide qui ne se comble pas.
L’écho d’un amour inachevé
Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Peut-être que le temps finira par apaiser cette douleur, peut-être que je croiserai un jour quelqu’un qui me fera ressentir à nouveau cette intensité. Mais aujourd’hui, je vis avec le poids d’un amour sacrifié, un amour qui, malgré les années, continue de résonner en moi. Et le pire dans tout ça, c'est que je sais au plus profond de mon âme que l'histoire se répétera car je ne suis attirée que par les femmes...
Mon histoire est celle de tant d’autres, celle de ceux qui ont aimé contre les interdits, de ceux qui ont dû renoncer pour préserver un équilibre imposé. Mais une question reste en suspens : peut-on jamais vraiment tourner la page d’un amour que l’on n’a pas choisi d’abandonner ? Je rêve de ce jour ou l'amour n'aura ni frontière, ni couleur, ni sexe, ni religion !
Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles (LGBT) en Israël sont reconnues par l'État depuis une période récente.